Pour la douzième année consécutive, Prescrire publie le bilan des médicaments à écarter pour mieux soigner. Ce bilan recense de manière documentée des médicaments plus dangereux qu’utiles, avec pour objectif d’aider à choisir des soins de qualité, de ne pas nuire aux patients et d’éviter des dommages disproportionnés. Il s’agit de
médicaments (parfois seulement une forme ou un dosage particulier) à écarter des soins dans toutes les situations cliniques dans lesquelles ils sont autorisés en France ou dans l’Union européenne.
Selon Prescrire, tous les médicaments ne se valent pas. Dans certaines situations, des médicaments sont utiles : ils apportent un progrès thérapeutique par rapport à d’autres options. En revanche, d’autres sont plus dangereux qu’utiles et sont à écarter de la panoplie thérapeutique.
Prescrire est une revue indépendante qui diffuse depuis les années 1980 des informations sur les médicaments en s’appuyant sur le travail collaboratif de médecins, de pharmaciens et de spécialistes du médicament. Elle est réputée pour son indépendance vis-à-vis des lobbies pharmaceutiques, mais aussi du ministère de la santé, de l’assurance maladie ou des agences du médicament. Elle dénonce régulièrement des traitements sans effet voire dangereux, ou dont la balance bénéfices/risques est défavorable.
Elle publie depuis février 2013 une liste de « médicaments à écarter », médicaments dont les avantages thérapeutiques ne compensent pas les risques qu’ils représentent.
Fin 2023, parmi les médicaments autorisés en France ou dans l’Union européenne qui ont été analysés par Prescrire entre 2010 et 2023, 105 médicaments sont plus dangereux qu’utiles dans toutes les indications figurant dans leur AMM, dont 88 sont commercialisés en France.
Il s’agit :
- de médicaments actifs, mais qui, compte tenu de la situation clinique, exposent à des risques disproportionnés par rapport aux bénéfices qu’ils apportent ;
– de médicaments anciens dont l’utilisation est dépassée, car d’autres médicaments plus récents ont une balance bénéfices-risques plus favorable ;
– de médicaments récents, dont la balance bénéfices-risques s’avère moins favorable que celle de médicaments plus anciens ;
- de médicaments dont l’efficacité n’est pas prouvée au-delà de celle d’un placebo, et qui exposent à des effets indésirables particulièrement graves.
L’évaluation des médicaments par Prescrire s’appuie sur une recherche documentaire méthodique et reproductible, et un travail collectif d’analyse selon une procédure établie :
- hiérarchisation des données d’efficacité avec priorité aux données de plus fort niveau de preuves, et d’abord celles issues d’essais comparatifs randomisés, en double aveugle ; – comparaison au traitement de référence (médicamenteux ou non), quand il en existe un, à la suite de la détermination précise du meilleur traitement comparateur ;
- analyse des résultats basés sur les critères d’évaluation cliniques les plus pertinents pour les patients, au-delà des critères intermédiaires, tels que des résultats biologiques, sans preuve d’une efficacité sur la qualité de vie des patients.
Guinéesanté.info, votre site d’information spécialisé dans le domaine de la santé, dans une série de publications, se fait le devoir de reprendre chaque semaine, le bilan mis à jour en fin 2023 des médicaments que Prescrire conseille d’écarter en 2024 pour mieux soigner les patients. Il s’agit des médicaments par domaine thérapeutique, et, dans chaque domaine, par ordre alphabétique des dénominations communes internationales (DCI).
Cette semaine, nous vous présentons les médicaments dans le domaine thérapeutique cardiologie.
Cardiologie
- L’aliskirène (Rasilez° – non commercialisé en France), un hypotenseur inhibiteur de la rénine, n’a pas d’efficacité démontrée pour diminuer les accidents cardiovasculaires. De plus, un essai chez des patients diabétiques a montré qu’il expose à un surcroît d’accidents cardiovasculaires et d’insuffisances rénales. Choisir parmi les nombreux hypotenseurs éprouvés est une meilleure option, notamment un diurétique thiazidique ou un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC).
- Le bézafibrate (Befizal°), le ciprofibrate (Lipanor° ou autre) et le fénofibrate (Lipanthyl° ou autre), des hypo cholestérolémiants sans efficacité préventive cardio vasculaire, exposent à de nombreux effets indésirables, notamment cutanés, hémato logiques et rénaux. Quand un fibrate est justifié, le gemfibrozil (Lipur°) est le seul à avoir une certaine efficacité démontrée sur les complications cardiovasculaires de l’hyper cholestérolémie, à condition de surveiller étroitement la fonction rénale et l’activité CPK sérique.
- La dronédarone (Multaq°), un anti arythmique proche de l’amiodarone (Cordarone° ou autre), est moins efficace que l’amiodarone pour prévenir les récidives de fibrillation auriculaire, avec au moins autant d’effets indésirables graves, notamment hépatiques, pulmonaires et cardiaques. L’amiodarone est un meilleur choix.
- L’ivabradine (Procoralan° ou autre), un inhibiteur du courant cardiaque IF, expose à des troubles visuels et des troubles cardiovasculaires, notamment des infarctus du myocarde, des bradycardies parfois sévères et autres troubles du rythme cardiaque. Elle n’apporte pas de progrès dans l’angor ni dans l’insuffisance cardiaque. Dans l’angor, on dispose de traitements éprouvés et efficaces : des bêta bloquants, voire des inhibiteurs calciques tels que l’amlodipine (Amlor° ou autre) ou le vérapamil (Isoptine° ou autre). Dans l’insuffisance cardiaque, il existe de meilleurs choix : s’abstenir d’ajouter un médicament au traitement déjà optimisé, ou utiliser un bêtabloquant d’efficacité démontrée sur la mortalité.
- Le nicorandil (Ikorel° ou autre), un vasodilatateur sans efficacité démontrée au-delà de l’effet symptomatique en prévention de la crise d’angor d’effort, expose à des ulcérations cutanéomuqueuses parfois graves. Un dérivé nitré est une meilleure option en prévention de la crise d’angor d’effort.
- L’olmésartan (Alteis°, Olmetec° ; et associé avec l’hydrochlorothiazide dans Alteisduo°, Coolmetec° ; et associé avec l’amlodipine dans Axeler°, Sevikar°), un antagoniste de l’angiotensine II (alias sartan), n’est pas plus efficace que les autres sartans sur les complications cardiovasculaires de l’hypertension artérielle. Mais il expose à des entéropathies avec des diarrhées chroniques parfois sévères et des pertes de poids, des hépatites auto-immunes et peut-être à un excès de mortalité cardio vasculaire. Parmi les nombreux autres sartans disponibles, il est préférable de choisir le losartan (Cozaar° ou autre) ou le valsartan (Tareg° ou autre), qui ne sont pas connus pour exposer à ces effets indésirables.
- La ranolazine (Ranexa° – non commercialisé en France), un antiangoreux de mécanisme d’action mal connu, expose à des effets indésirables disproportionnés en regard de son effet minime pour diminuer le nombre de crises d’angor : troubles digestifs, troubles neuro psychiques, palpitations, bradycardies, hypo tensions artérielles, allongements de l’intervalle QT de l’électrocardiogramme et œdèmes périphériques.
- La triméta zidine (Vastarel° ou autre), une substance aux propriétés incertaines utilisée dans l’angor sans efficacité démontrée au-delà d’un modeste effet symptomatique, notamment lors de tests d’effort, expose à des syndromes parkinsoniens, des hallucinations et des thrombopénies. Il est préférable de choisir des traitements mieux éprouvés dans l’angor : certains bêtabloquants, voire des inhibiteurs calciques tels que l’amlodipine ou le vérapamil.
- Le vernakalant (Brinavess° – non commercialisé en France), un anti arythmique injectable utilisé dans la fibrillation auriculaire, est sans efficacité démontrée pour diminuer la mortalité, ou les accidents thromboemboliques ou cardio-vasculaires. Il expose entre autres à de nombreux troubles du rythme cardiaque. En cas de cardio version médicamenteuse, il est plus prudent d’utiliser en premier choix l’amiodarone. Source: Prescrire