Pour aider à choisir des soins de qualité et éviter des dommages disproportionnés pour les patientes et les patients, nous avons mis à jour fin 2024 le bilan des médicaments plus dangereux qu’utiles que Prescrire conseille d’écarter pour mieux soigner.
Selon Prescrire, tous les médicaments ne se valent pas. Dans certaines situations, des médicaments sont utiles : ils apportent un progrès thérapeutique par rapport à d’autres options. En revanche, d’autres sont plus dangereux qu’utiles et sont à écarter de la panoplie thérapeutique.
Prescrire est une revue indépendante qui diffuse depuis les années 1980 des informations sur les médicaments en s’appuyant sur le travail collaboratif de médecins, de pharmaciens et de spécialistes du médicament. Elle est réputée pour son indépendance vis-à-vis des lobbies pharmaceutiques, mais aussi du ministère de la santé, de l’assurance maladie ou des agences du médicament. Elle dénonce régulièrement des traitements sans effet voire dangereux, ou dont la balance bénéfices/risques est défavorable.
Elle publie depuis février 2013 une liste de « médicaments à écarter », médicaments dont les avantages thérapeutiques ne compensent pas les risques qu’ils représentent.
Fin 2024, parmi les médicaments autorisés en France ou dans l’Union européenne qui ont été analysés par Prescrire entre 2010 et 2024, 106 médicaments sont plus dangereux qu’utiles dans toutes les indications figurant dans leur AMM, dont 88 sont commercialisés en France.
Nous présentons ci-après ces 106 médicaments par domaine thérapeutique, et, dans chaque domaine, par ordre alphabétique des dénominations communes internationales (DCI).
Il s’agit :
de médicaments avec une efficacité démontrée, mais qui, compte tenu de la situation clinique, exposent à des risques disproportionnés par rapport aux bénéfices qu’ils apportent ;
de médicaments anciens dont l’utilisation est dépassée, car d’autres médicaments plus récents ont une balance bénéfices-risques plus favorable ;
de médicaments récents, dont la balance bénéfices-risques s’avère moins favorable que celle de médicaments plus anciens ;
de médicaments dont l’efficacité n’est pas prouvée au-delà de celle d’un placebo, et qui exposent à des effets indésirables particulièrement graves.
Les principales raisons qui font qu’une balance bénéfices-risques est défavorable sont expliquées au cas par cas. Quand de meilleures options existent, Prescrire les expose brièvement. Parfois, il s’agit d’une situation clinique, grave ou non, pour laquelle aucun autre traitement avec une balance bénéfices-risques favorable n’est connu, et il le mentionne aussi.
Santéinfo.org, votre site d’information spécialisé dans le domaine de la santé, dans une série de publications, se fait le devoir de reprendre chaque semaine, le bilan mis à jour en fin 2024 des médicaments que Prescrire conseille d’écarter en 2025 pour mieux soigner les patients. Il s’agit des médicaments par domaine thérapeutique, et, dans chaque domaine, par ordre alphabétique des dénominations communes internationales (DCI).
Cette semaine, nous vous présentons les médicaments dans le domaine thérapeutique Psychiatrie Dépendances.
Médicaments de la dépression
Parmi les médicaments autorisés dans la dépression, certains exposent à plus de risques graves que d’autres, sans avoir de meilleure efficacité. Les médicaments de la dépression ont en général une efficacité modeste, souvent d’apparition lente. Le choix est plutôt à faire parmi des antidépresseurs dont on connaît le profil d’effets indésirables par un plus long recul d’utilisation, en tenant compte de la particularité de chaque patient.
- L’agomélatine (Valdoxan° ou autre), d’efficacité non démontrée au-delà de celle d’un placebo, expose à des hépatites et des pancréatites, des suicides et des accès d’agressivité, des rhabdomyolyses, des atteintes cutanées graves (dont des syndromes de Stevens-Johnson).
- Le citalopram (Seropram° ou autre) et l’escitalopram (Seroplex° ou autre), des antidépresseurs inhibiteurs dits sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRS), exposent à un surcroît d’allongements de l’intervalle QT de l’électrocardiogramme, de torsades de pointes et de morts subites par rapport à d’autres antidépresseurs IRS, ainsi qu’à des surdoses aux conséquences plus graves.
- La duloxétine (Cymbalta° ou autre), le milnacipran (Milnacipran Arrow° ou autre) et la venlafaxine (Effexor LP° ou autre), des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN), exposent aux effets indésirables des antidépresseurs IRS, et en plus à des troubles cardiaques liés à leur activité noradrénergique, dont des hypertensions artérielles, des tachycardies, des troubles du rythme cardiaque, des allongements de l’intervalle QT de l’électrocardiogramme et, pour la venlafaxine, à un risque élevé d’arrêts cardiaques en cas de surdose ; Interactions Médicamenteuses Prescrire). La duloxétine expose aussi à des hépatites et à des réactions d’hypersensibilité avec des atteintes cutanées graves (dont des syndromes de Stevens-Johnson).
- La réboxétine (non commercialisée en France), un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et plus faiblement de la sérotonine, semble moins efficace que d’autres antidépresseurs dont la fluoxétine (Prozac° ou autre), et elle expose à des effets indésirables atropiniques, des troubles sexuels, des pertes d’appétit.
- L’eskétamine en solution pour pulvérisation nasale (Spravato°), a une efficacité très incertaine dans les dépressions dites résistantes et les dépressions avec risque suicidaire élevé. Ses effets indésirables neuropsychiques sont fréquents, dont des syndromes de dissociation. Un surcroît de risque suicidaire a été rapporté dans les semaines qui ont suivi le traitement. Des addictions et des détournements d’usage sont à prévoir. Dans chacune de ces situations cliniques difficiles, il est plus prudent de ne pas compter sur l’eskétamine et d’envisager d’autres options moins dangereuses, même si leur efficacité clinique est incertaine, par exemple : psychothérapie, parfois avec hospitalisation ; augmentation de la dose de l’antidépresseur ; changement de groupe pharmacologique d’antidépresseur.
- La tianeptine (Stablon° ou autre), d’efficacité non démontrée au-delà de celle d’un placebo, expose à des hépatites, des atteintes cutanées graves, parfois mortelles, dont des éruptions bulleuses, et des toxicomanies.
Autres psychotropes
D’autres psychotropes ont des effets indésirables disproportionnés par rapport au peu ou à l’absence d’efficacité démontrée.
- La dapoxétine (Priligy°), un inhibiteur dit sélectif de la recapture de la sérotonine (IRS), a une efficacité très modeste en cas d’insatisfaction sexuelle liée à un délai d’éjaculation trop court. Ses effets indésirables sont disproportionnés, avec des accès d’agressivité, des syndromes sérotoninergiques, des syncopes. Une approche psychocomportementale, ou l’application sur le gland de l’association d’anesthésiques lidocaïne + prilocaïne (Fortacin°) sont de meilleures options dans cette situation.
- L’étifoxine (Stresam° ou autre) n’a pas d’efficacité démontrée au-delà de celle d’un placebo dans l’anxiété, et elle expose à des hépatites et à des réactions d’hypersensibilité graves, dont des syndromes d’hypersensibilité multiorganique (alias Dress), des syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell. En France, elle n’est plus remboursable par la Sécurité sociale depuis fin 2021. Quand un anxiolytique est justifié, une benzodiazépine pour la durée la plus courte possible est un meilleur choix. Il est prudent d’envisager d’emblée avec le patient les conditions et les modalités d’arrêt du médicament afin de réduire les risques liés à un usage prolongé.
Sevrage tabagique
- La bupropione (Zyban°), un amphétaminique autorisé dans le sevrage tabagique, n’est pas plus efficace que la nicotine mais expose à des troubles neuropsychiques (dont des agressivités, des dépressions, des idées suicidaires), des réactions allergiques parfois graves (dont des angiœdèmes, des syndromes de Stevens-Johnson), des dépendances ; et des malformations cardiaques congénitales en cas d’exposition in utero. En aide médicamenteuse au sevrage tabagique, la nicotine est un meilleur choix, malgré ses limites.
Source : Prescrire